Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout, et à qui je voudrais tout devoir, que j’ai tourné ma pensée.

Je me suis rappelé la proposition que tu m’avais souvent répétée, d’une place qui, en me procurant l’avantage de ne rien précipiter, me fournît aussi les moyens d’étudier le monde sur un théâtre plus vaste et souvent plus vrai que celui des livres, où j’ai seulement appris jusqu’ici à le connaître. D’ailleurs, ce serait un moyen d’acquérir des données sans lesquelles on ne peut vraisemblablement résoudre le problème de sa vie. Je crois que, si l’exécution en était encore possible, le moment où je me trouve serait le plus favorable. Libre de tout engagement, l’esprit suffisamment cultivé par des études suivies et des connaissances variées, parvenu à cet âge où l’on a assez de fermeté pour ne pas flotter au premier vent qui souffle, et assez de flexibilité pour saisir le bien et le beau partout où on le trouve, et pour se modeler sur lui, je trouverais dans l’exécution de ce plan le complément d’une éducation incomplète sous quelques points de vue, et une heureuse transition de l’éducation à la vie.

Outre ces avantages intellectuels, j’y trou-