Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/228

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Quoi qu’il en puisse être du résultat de mes démarches, je crois fermement que tu dois rester entièrement libre de tes engagements actuels pour toute l’année prochaine. Crois-tu que je recule devant l’idée de te savoir étudier et vivre librement pendant une année soit à Paris, soit à l’étranger ? Nullement, mon Ernest, et j’y reviendrai certainement, si je ne réussis pas à te trouver une position telle que je la désire. Toutes mes ressources t’appartiennent, elles me permettront même ceci, et je serai trop heureuse de les consacrer à porter quelque calme dans ton cœur, où je lis du fond de ma solitude et où je vois tant de troubles et de souffrances. J’ai eu l’âme navrée en lisant dans ta lettre que des pensées de mort traversaient ton esprit et que tu ne t’en attristais point. Hélas ! ami, qui désirerait vivre s’il ne songeait qu’à lui seul ?… Mais n’est-ce donc rien qu’une tendresse comme celle que je te porte ! Lorsque tu te complais dans de telles idées, penses-tu aux deux êtres dont tu es le premier bien, la plus vive affection ?… L’une de tes mères, tu parviens à lui persuader que tu es heureux ; mais