Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/249

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changement dans tes résolutions : comme je pressentais toujours ce qui arrive, je lui ai dit plusieurs fois qu’il fallait s’y attendre, et jamais elle n’a cessé de me répéter qu’elle voulait avant tout te voir agir librement. Rassure-toi donc un peu sur ce point ; d’ailleurs cher ami, il s’agit ici d’une chose sur laquelle il est impossible de transiger. « Devoir, mot sublime ! tu n’offres rien d’agréable à l’homme, tu ne lui parles que de sacrifices, et cependant toi seul lui révèles sa dignité, sa liberté ! » Reconnaîtras-tu Kant dans cette maxime ?

Je t’écris en arrivant à Varsovie, où je suis de nouveau pour cinq ou six semaines. Ce voyage, les embarras d’une installation, les dérangements qu’un séjour à la ville ajoute toujours à mes occupations, ont beaucoup retardé ma lettre ; cette pensée me désole, mon Ernest, quand je songe que tu l’attends. Je la continue au milieu de mille interruptions, ne désirant rien plus vivement que d’envoyer vers toi quelques mots de calme et de tendre affection. Que je te remercie, mon ami, d’avoir écouté ma voix et celle de ta conscience, d’avoir repoussé les engagements