Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/273

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devait me comprendre, et tes dernières lettres m’ont prouvé qu’en l’espérant je n’ai pas été trompée ; j’en rends au ciel de vives actions de grâces. J’ai toujours pensé, et des années de réflexion n’ont servi qu’à me convaincre de plus en plus, qu’il faut un point d’arrêt entre l’éducation et la vie, le temps enfin d’envisager raisonnablement et sans influence étrangère ce qu’on s’impose pour toujours.

Si dans quelque circonstance le cours des événements oblige à s’éloigner de cette sage maxime, la faire taire ou l’anéantir serait un crime à mes yeux quand il s’agit d’une carrière exceptionnelle comme celle vers laquelle ta jeunesse a été guidée. Oh ! de quelle responsabilité se chargerait la conscience d’une famille qui oserait pousser dans un lien indissoluble et sacré un jeune homme encore incapable de le comprendre ! — Te laisser le temps de te reconnaître, et employer ce temps d’une manière utile pour ton développement intellectuel, telle fut ma pensée lorsque je te parlai, il y a déjà environ deux ans, d’un préceptorat en Allemagne ; jamais, mon ami, je