Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/315

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moi te supplier de te faire moins de mal, et de tâcher enfin de trouver assez d’énergie pour mettre fin à un état de choses qui doit faire ton supplice.

Je te vois sur le point d’accepter une de ces positions mixtes qui ne sont rien par elles-mêmes, qui ne conduisent à rien, et qui, après avoir absorbé une ou deux précieuses années, nous laisseront dans le même embarras qu’aujourd’hui. Qu’en résultera-t-il, mon ami ? Que tu auras acquis, il est vrai, une plus grande certitude de l’impossibilité qu’il y a pour toi de suivre la voie où l’on t’a poussé ; mais aussi que tu auras rendu les autres routes plus difficiles, par le temps perdu ou employé sans but déterminé. Qui sait d’ailleurs si, dans cet intervalle, le sort ne me réserve pas quelque nouvelle rigueur ! S’il me laissera la possibilité de faire alors ce que j’étais si heureuse de faire aujourd’hui ! — Enfin, mon Ernest, pas plus que ma manière de voir je ne veux t’imposer ma manière d’agir ; je désire seulement te conjurer d’être en garde contre la faiblesse, qui a souvent des suites si fatales, même pour ceux en consi-