Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/35

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années et d’accepter la plus lourde des sujétions. Mais elle avait fait un bien plus grand effort quand elle quitta la Bretagne pour se lancer dans le vaste monde. Elle partit en janvier 1841, traversa la Forêt-Noire et toute l’Allemagne du Sud couverte de neige, rejoignant à Vienne la famille à laquelle elle s’était attachée, puis, franchissant les Carpathes, arriva au château de Clemensow, sur les bords du Bug, triste demeure où elle devait, durant dix années, apprendre combien l’exil est amer, même quand on a pour le soutenir un motif élevé.

Cette fois, du moins, le sort lui réserva une compensation pour tant d’autres injustices, en la plaçant dans une famille que je puis bien désigner, puisqu’à son illustration historique elle vient d’ajouter une gloire contemporaine qui met son nom sur toutes les bouches : ce fut la famille du comte André Zamoyski. L’amour avec lequel elle embrassa ses fonctions, l’affection qu’elle conçut pour ses trois élèves, le bonheur de voir ses efforts fructifier, en particulier dons celle qui, par son âge, fut appelée à recevoir le plus longtemps ses leçons,