Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/379

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calme un peu mon anxiété. Voilà plus d’un mois que nous eussions dû recevoir ta lettre de Vienne. N’y serais-tu pas encore ? Ta lettre se serait-elle égarée dans ces malheureuses postes ? Quelque incident inattendu serait-il venu retarder ou empêcher le voyage projeté ? Telles sont les hypothèses auxquelles j’aime de préférence à m’arrêter. Mais quand je songe à ta santé déjà si fort altérée, à ces longues souffrances, dont tu m’avais dérobé le secret, ô ma bonne Henriette, c’est alors que je me livre à de cruelles angoisses. Mon imagination se crée des fantômes ; je me figure ma sœur, ma meilleure amie, souffrante, épuisée, loin de sa patrie et de ceux qui l’aiment.

S’il en était ainsi, mon excellente Henriette, je t’en supplie, au nom de notre amitié, ne tarde pas à me le faire savoir ; je vole près de toi ; nul sacrifice devrait-il être considéré dans une telle circonstance ? Que je sache tout, ma bonne amie, sans restriction ni réserve. Le temps n’est plus où tu pouvais craindre, en me dévoilant toutes tes souffrances, d'influer fatalement sur ma vie, en m’engageant plus avant dans la voie que je suivais alors.