Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/382

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abord. Ce maître de pension est un honnête homme, mais fort peu élevé d’esprit et de sentiments. Il est en cela du grand nombre. Il faut que je t’avoue que j’ai éprouvé de singulières déceptions en me trouvant définitivement en contact avec les hommes. Jusqu’ici j’avais été obligé d’en juger par conjecture, et de les supposer tels ou tels : les faits me montrent maintenant que, dans mes hypothèses, je les faisais trop fins et trop intellectuels Je croyais d’abord avoir affaire à autant de phénix, et je calculais mes pas et mes paroles avec toutes les précautions d'un novice. Maintenant que j’ai mesuré mes gens, je commence à poser le pied avec assurance. Ma manière, je le sais, est très différente des autres, mais je ne veux pas la changer, car c’est le vrai pour moi, et elle me réussit fort bien.

Je suis réellement surpris des égards que l’on a ici pour moi, d’autant plus que cet homme n’en a pas pour tout le monde. Tout, comme tu sais, dépend de la première pose que l’on prend, et il est toujours plus ou moins au pouvoir de quelqu’un de donner le