Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/41

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tions et ne chercha guère a en former. Nos fenêtres donnaient sur le jardin des Carmélites de la rue d’Enter. La vie de ces recluses, pendant les longues heures que je passais à la Bibliothèque, réglait en quelque sorte la sienne et faisait son unique distraction. Son respect pour mon travail était extrême. Je l’ai vue, le soir, durant des heures à côté de moi, respirant à peine pour ne pas m’interrompre ; elle voulait cependant me voir, et toujours la porte qui séparait nos deux chambres était ouverte. Son amour était arrivé à quelque chose de si discret et de si mûr que la communion secrète de nos pensées lui suffisait. Elle, si exigeante de cœur, si jalouse, se contentait de quelques minutes par jour pourvu qu’elle fût assurée d’être seule aimée. Grâce à sa rigoureuse économie, elle me fit, avec des ressources singulièrement limitées, une maison où rien ne manqua jamais, et qui même avait son charme austère. Nos pensées étaient si parfaitement à l’unisson que nous avions à peine besoin de nous les communiquer. Nos vues générales sur le monde et sur Dieu étaient identiques. Il n’y avait nuance si délicate dans les théories