Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/87

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chapelle et à l’ombre de beaux palmiers. Il demanda seulement que, quand on l’enlèverait, une inscription indiquât qu’une Française avait reposé en ce lieu. C’est là qu’elle est encore. J’hésite à la tirer de ces belles montagnes où elle a passé de si doux moments, du milieu de ces bonnes gens qu’elle aimait, pour la déposer dans nos tristes cimetières, qui lui faisaient horreur. Sans doute je veux qu’elle soit un jour près de moi ; mais qui peut dire en quel coin du monde il reposera ? Qu’elle m’attende donc sous les palmiers d’Amschit, sur la terre des mystères antiques, près de la sainte Byblos.

Nous ignorons les rapports des grandes âmes avec l’infini ; mais si, comme tout porte à le croire, la conscience n’est qu’une communion passagère avec l’univers, communion qui nous fait entrer plus ou moins avant dans le sein de Dieu, n’est-ce pas pour les âmes comme celle-ci que l’immortalité est faite ? Si l’homme a le pouvoir de sculpter, d’après un modèle divin qu’il ne choisit pas, une grande personnalité morale, composée en par-