Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/126

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dans le cœur de l’homme ; il achève ce que les lumières naturelles ont commencé ; loin de s’élever sur les ruines de la raison, le christianisme n’en est que le complet épanouissement ; il est la vraie philosophie. Tout porte à croire que l’apologie perdue de Méliton était conçue dans cet esprit[1]. L’école plus ou moins gnostique d’Alexandrie, en s’attachant à la même manière de voir, lui donnera, au iiie siècle, un immense éclat. Elle proclamera, comme Justin, que la philosophie grecque est la préparation du christianisme, l’échelle qui mène au Christ[2]. Le platonisme surtout, par sa tendance idéaliste, est, pour ces chrétiens philhellènes, l’objet d’une faveur marquée. Clément d’Alexandrie ne parle des stoïciens qu’avec admiration[3]. À l’entendre, chaque école de philosophie a saisi une particule de la vérité[4]. Il va jusqu’à dire que, pour connaître Dieu, les juifs ont eu les prophètes, les Grecs ont eu la philosophie et quelques inspirés tels que la Sibylle et Hystaspe, jusqu’à ce qu’un troisième Testament ait créé la connaissance spirituelle et réduit les deux autres révélations à l’état de formes vieillies[5].

  1. Saint Jérôme, Epist., 83 (84). Il est probable qu’Aristide et Quadratus procédèrent de la même manière.
  2. Clém. d’Alex., Strom., VI, ch. 7, 8, 10, 17, 18.
  3. Ibid., IV, ch. 5.
  4. Ibid., I, 13.
  5. Ibid., VI, 5.