Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dore. Il s’opérait, du reste, dans ce monde de sectes, des fusions et des séparations qui n’avaient souvent pour mobile que la vanité des chefs[1]. Loin de s’épurer et de se prêter aux exigences de la vie pratique, les systèmes gnostiques devenaient chaque jour plus creux, plus compliqués, plus chimériques. Chacun voulait être fondateur d’école, avoir une Église avec ses profits ; pour cela, une nuée de docteurs, les moins chrétiens des hommes, cherchaient à se surpasser les uns les autres, et ajoutaient quelque bizarrerie aux bizarreries de leurs devanciers[2].

L’école de Carpocrate offrait un incroyable mélange d’aberrations et de fine critique. On parlait, comme d’un miracle de savoir et d’éloquence, du fils de Carpocrate, nommé Épiphane[3], sorte d’enfant prodige qui mourut à dix-sept ans, après avoir étonné ceux qui le connurent par sa science des lettres grecques et surtout par la connaissance qu’il avait de la philosophie de Platon. Il paraît qu’on lui éleva un temple et des autels à Samé, dans l’île de Céphalonie ; une académie fut érigée en son nom ; on célé-

  1. Épiph., Hær., xxxii, 1, 3, 4.
  2. Irénée, I, ch. 15.
  3. Clément d’Alex., Strom., III, 2 ; Philosoph., VI, 38 ; Épiph, Hær., xxxii, 3, 4 ; Théodoret, Hær. fab., I, 5 ; Philastre, 57 ; Pseudo-Aug., 7. Cf. Tertullien, De anima, c. 35.