Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/146

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tenait, en prononçant ces paroles : « Que la grâce infinie et ineffable qui est avant toute chose remplisse ton être intérieur et augmente en toi sa gnose, répandant le grain de sénevé en bonne terre. » Le liquide se dilatait alors, sans doute par suite de quelque réaction chimique, et débordait de la grande coupe. La pauvre femme était stupéfaite, et tous étaient frappés d’admiration[1].

L’Église de Markos n’était pas seulement un nid d’impostures. Elle passa aussi pour une école de débauche et de secrètes infamies. On s’exagéra peut-être ce caractère parce que, dans le culte markosien, les femmes pontifiaient, offraient l’Eucharistie. Plusieurs dames chrétiennes, dit-on, se laissèrent séduire ; elles entraient sous la direction du sophiste et n’en sortaient que baignées de larmes. Markos flattait leur vanité, leur tenait un langage d’une mysticité équivoque, triomphait de leur timidité, leur apprenait à prophétiser, abusait d’elles ; puis, quand elles étaient fatiguées, ruinées, elles revenaient à l’Église, confessaient leur faute et se vouaient à la pénitence, pleurant et gémissant du malheur qui leur était arrivé[2]. L’épidémie de Markos désolait principalement les Églises d’Asie. L’espèce de courant qui

  1. Philos., VI, 40.
  2. Irénée, I, c. xiii. Comp. I, vi, 3.