Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aspirant à devenir universelle et à remplacer l’œuvre de Jésus, présentée comme imparfaite ou comme corrompue par ses disciples.

L’immense confusion d’idées qui régnait en Orient amenait un syncrétisme général des plus étranges. Des petites sectes mystiques d’Égypte, de Syrie, de Phrygie, de Babylonie, profitant d’apparentes ressemblances, prétendaient s’adjoindre au corps de l’Église et parfois étaient accueillies. Toutes les religions de l’antiquité semblaient ressusciter pour venir au-devant de Jésus et l’adopter comme un de leurs adeptes. Les cosmogonies de l’Assyrie, de la Phénicie, de l’Égypte, les doctrines des mystères d’Adonis, d’Osiris, d’Isis, de la Grande Déesse de Phrygie, faisaient invasion dans l’Église et continuaient ce qu’on peut appeler la branche orientale, à peine chrétienne, du gnosticisme. Tantôt Jéhovah, le dieu des Juifs, était identifié avec le démiurge assyro-phénicien Ialdebaoth[1], « le fils du chaos »[2]. D’autres fois, le vieil ΙΑΩ assyrien, qui offre avec Jéhovah d’étranges signes de parenté, était mis en

  1. Irénée, I, xxx, 5 et suiv. ; Orig., Contre Celse, VI, 31 ; Épiph. Hær., xxvi, 10 ; xxxvii, 3 et suiv.
  2. ילד בהו. Voir Mém. sur Sanch., dans les Mém. de L’Acad. des inscr., t. XXIII, deuxième partie, p. 256 et suiv., 312 ; F. Lenormant, Bérose, p. 126, 127 ; Baudissin, Stud. zur semit. Religionsgeschichte, I, p. 194, 195.