Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/157

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lettes et leurs abraxas[1], les gnostiques de bas étage ne méritent que le mépris. Mais ce mépris ne doit pas rejaillir sur les grands hommes qui cherchèrent dans ce narcotique puissant le repos ou, si l’on veut, l’étourdissement de leur pensée. Valentin eut à sa manière du génie. Carpocrate et son fils Épiphane furent de brillants écrivains, gâtés par l’utopie et le paradoxe, mais parfois étonnants de profondeur. Le gnosticisme eut un rôle considérable dans l’œuvre de la propagande chrétienne. Souvent, il fut la transition par laquelle on passait du paganisme au christianisme[2]. Les prosélytes ainsi gagnés devenaient presque toujours orthodoxes ; jamais ils ne retournaient au paganisme.

C’est surtout l’Égypte qui garda de ces rites étranges une empreinte ineffaçable. L’Égypte n’avait pas eu de judéo-christianisme. Un fait remarquable, c’est la différence entre la littérature copte et les autres littératures chrétiennes de l’Orient. Tandis que la plupart des ouvrages judéo-chrétiens se retrouvent en syriaque, en arabe, en éthiopien, en arménien, le copte ne montre qu’un arrière-fonds gnostique sans rien au delà. L’Égypte passa ainsi sans intermédiaire de l’illuminisme païen à l’illumi-

  1. Voir ci-après, p. 142-144.
  2. Exemple d’Ambroise, l’ami d’Origène : Eus., H. E., VI, 18.