Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/231

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croyance était pleine de danger ? Aussi l’esprit de sagesse qui dirigeait l’Église tendait-il à subordonner de plus en plus l’exercice des dons surnaturels à l’autorité du presbytérat. Les évêques s’attribuaient le discernement des esprits, le droit d’approuver les uns, d’exorciser les autres. Cette fois, c’était un prophétisme tout à fait populaire qui s’élevait sans la permission du clergé, et voulait gouverner l’Église en dehors de la hiérarchie. La question de l’autorité ecclésiastique et de l’inspiration individuelle, qui remplit toute l’histoire de l’Église, surtout depuis le xvie siècle, se posait dès lors avec netteté. Entre le fidèle et Dieu, y a-t-il ou n’y a-t-il pas un intermédiaire ? Montanus répondait non, sans hésiter. « L’homme, disait le Paraclet dans un oracle de Montanus[1], est la lyre, et moi, je vole comme l’archet ; l’homme dort, et moi, je veille. »

Montanus justifiait sans doute par quelque supériorité cette prétention d’être l’élu de l’Esprit. Nous croyons volontiers ses adversaires quand ils nous disent que c’était un croyant de fraîche date ; nous admettons même que le désir de primauté ne fut pas étranger à ses singularités. Quant aux débauches et à la fin honteuse qu’on lui attribue, ce sont là les

  1. Dans Épiph., hær. xlviii, 4.