Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/236

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L’entraînement que ces femmes exercèrent sur les foules et même sur une partie du clergé fut extraordinaire. On allait jusqu’à préférer les prophétesses de Pépuze aux apôtres et même à Christ. Les plus modérés voyaient en elles ces prophètes prédits par Jésus comme devant achever son œuvre. Toute l’Asie Mineure fut troublée. Des pays voisins, on venait pour voir ces phénomènes extatiques et pour se faire une opinion sur le prophétisme nouveau. L’émotion fut d’autant plus grande que personne ne rejetait à priori la possibilité de la prophétie. Il s’agissait seulement de savoir si celle-ci était réelle. Les Églises les plus lointaines, celles de Lyon, de Vienne, écrivirent en Asie pour être informées. Plusieurs évêques, en particulier Ælius Publius Julius, de Debeltus, et Sotas, d’Anchiale en Thrace[1], vinrent pour être témoins. Toute la chrétienté fut mise en mouvement par ces miracles, qui semblaient ramener le christianisme de cent trente ans en arrière, aux jours de sa première apparition.

La plupart des évêques, Apollinaire d’Hiérapolis, Zotique de Comane, Julien d’Apamée, Miltiade, le célèbre écrivain ecclésiastique, un certain Aurélius de Cyrène, qualifié « martyr » de son vivant, les deux

  1. Ces deux villes, situées sur la mer Noire, étaient voisines l’une de l’autre. Aujourd’hui, Burgas et Ahiali.