Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/240

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rieures un motif de fol orgueil et de révolte contre le clergé. Ils osaient dire que, depuis Jésus, au moins depuis les apôtres, l’Église avait perdu son temps, et qu’il ne fallait plus attendre une heure pour sanctifier l’humanité et la préparer au règne messianique. L’Église de tout le monde, selon eux, ne valait pas mieux que la société païenne. Il s’agissait de former dans l’Église générale une Église spirituelle[1], un noyau de saints, dont Pépuze serait le centre. Ces élus se montraient hautains pour les simples fidèles. Thémison déclarait que l’Église catholique avait perdu toute sa gloire et obéissait à Satan[2]. Une Église de saints, voilà leur idéal, bien peu différent de celui de pseudo-Hermas. Qui n’est pas saint n’est pas de l’Église. « L’Église, disaient-ils, c’est la totalité des saints, non le nombre des évêques. »

Rien n’était plus loin, on le voit, de l’idée de catholicité qui tendait à prévaloir et dont l’essence consistait à tenir les portes ouvertes à tous. Les catholiques prenaient l’Église telle qu’elle était, avec ses imperfections ; on pouvait, d’après eux, être pécheur sans cesser d’être chrétien. Pour les montanistes, ces deux termes étaient inconciliables. L’Église doit être

  1. Voir la même distinction chez les gnostiques. L’Égl. chrét., p. 140 et suiv.
  2. Eus., V, xvi, xviii.