Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/249

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Église immaculée et n’arrivait qu’à un étroit conciliabule, réussit, malgré ses exagérations, ou plutôt à cause de ses exagérations mêmes, à recruter dans l’Église universelle tous les austères, tous les excessifs. Il était si bien dans la logique du christianisme ! Nous avons déjà vu la même chose arriver pour les encratites et pour Tatien. Avec ses abstinences contre nature, sa mésestime du mariage[1], sa condamnation des secondes noces[2], le montanisme n’est autre chose qu’un millénarisme conséquent, et le millénarisme, c’était le christianisme lui-même. « Qu’ont à démêler, dit Tertullien, des soucis de nourrissons avec le jugement dernier ? Il fera beau voir des seins flottants, des nausées d’accouchée, des mioches qui braillent se mêler à l’apparition du juge et aux sons de la trompette[3]. Oh ! les bonnes sages-femmes que les bourreaux de l’Antechrist ! » Les exaltés se racontaient que, pendant quarante jours, on avait vu chaque matin, suspendue au ciel, en Judée, une ville qui s’évanouissait quand on approchait d’elle. Ils invoquaient, pour prouver la réalité de cette vision, le témoignage des païens, et chacun

  1. Tertullien, Ad uxorem, I, 5 ; De exhort. cast., 10, 11, 12 ; Adv. Prax., 10.
  2. Voir Tertullien, surtout De monogamia.
  3. Tertullien, De monog., 16.