Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/253

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Le troupeau des fidèles, nécessairement de vertu moyenne, suivit les pasteurs. La médiocrité fonda l’autorité. Le catholicisme commence. À lui l’avenir. Le principe d’une sorte de yoguisme chrétien[1] est étouffé pour un temps. Ce fut ici la première victoire de l’épiscopat, et la plus importante peut-être ; car elle fut remportée sur une sincère piété. Les extases, la prophétie, la glossolalie avaient pour elles les textes et l’histoire. Mais elles étaient devenues un danger ; l’épiscopat y mit bon ordre ; il supprima toutes ces manifestations de la foi individuelle. Que nous sommes loin des temps si fort admirés par l’auteur des Actes ! Déjà au sein du christianisme existait ce parti du bon sens moyen, qui l’a toujours emporté dans les luttes de l’histoire de l’Église. L’autorité hiérarchique, à son début, fut assez forte pour dompter l’enthousiasme des indisciplinés, mettre le laïque en tutelle, faire triompher ce principe que les évêques seuls s’occupent de théologie et sont juges des révélations. C’était bien, en effet, la mort du christianisme, par la destruction de l’épiscopat[2], que ces bons fous de Phrygie préparaient. Si l’inspiration individuelle, la doctrine de la révélation et du changement en per-

  1. Clém. d’Alex., Strom., I, 15, p. 131.
  2. Non Ecclesia numerus episcoporum. Tertullien, De pudicitia, 21.