Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/277

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lation lui devint encore plus nécessaire. Il avait passé cinquante ans ; la vieillesse était chez lui prématurée. Un soir, toutes les images de sa pieuse jeunesse remontèrent en son souvenir, et il passa quelques heures délicieuses à supputer ce qu’il devait à chacun des êtres bons qui l’avaient entouré[1].


Exemple de mon aïeul Verus : douceur des mœurs, patience inaltérable.

Qualités qu’on prisait dans mon père, souvenir qu’il m’a laissé : modestie, caractère mâle.

Souvenir de ma mère : sa piété, sa bienfaisance ; pureté d’âme qui allait jusqu’à s’abstenir, non seulement de faire le mal, mais même d’en concevoir la pensée ; vie frugale et qui ressemblait si peu au luxe des riches[2].


Puis lui apparaissaient tour à tour Diognète, qui lui inspira le goût de la philosophie et rendit agréables à ses yeux le grabat, la couverture consistant en une simple peau et tout l’appareil de la discipline hellénique ; Junius Rusticus, qui lui apprit à éviter toute affectation d’élégance dans le style et lui prêta les Entretiens d’Épictète[3] ; Apollonius de Chalcis, qui réalisait l’idéal stoïcien de l’extrême fermeté et

  1. Pensées, livre Ier, entier.
  2. Une monnaie de Nicée nous a conservé la douce et aimable figure de Domitia Lucilla, la mère de Marc-Aurèle. De Longpérier, Revue numism., nouv. série, t. VIII (1863).
  3. Τὰ Ἐπικτήτεια ὑπομνήματα, les Entretiens rédigés par Arrien.