Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/295

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persécuter les saints, on verra ce que ceux-ci obtiendront du ciel en sa faveur. Dieu, pour devenir le protecteur de l’empire contre les barbares, n’attend qu’une seule chose, c’est que l’empire cesse de se montrer impitoyable envers une élite qui est dans le monde le ferment de tout bien. Cette manière de présenter les faits fut très vite acceptée et fit le tour des Églises. À chaque procès, à chaque tracasserie, on avait cette excellente réponse à faire aux autorités : « Nous vous avons sauvés. » Cette réponse gagna une force nouvelle, quand, à l’issue de la campagne, Marc-Aurèle reçut sa septième salutation impériale[1], et que la colonne qui se voit encore aujourd’hui debout à Rome s’éleva, par ordre du Sénat et du peuple, portant parmi les reliefs l’image du miracle[2]. On en prit même occasion de fabriquer une lettre officielle de Marc-Aurèle au Sénat, par laquelle il défendait de poursuivre d’office les chrétiens et punissait de mort leurs dénonciateurs[3]. Non seulement le fait d’une telle lettre est inadmis-

  1. Tillemont, Emp., II, p. 373 ; Noël Desvergers, Essai, p. 91 ; Hænel, Corpus legum, p. 120 et suiv.
  2. Le décret d’érection est de 174.
  3. Tertullien, Apol., 5 (cf. Eus.. V, v, 6 ; Chron., p. 172, 173 ; Orose et Xiphilin, l. c.). C’est probablement, pour le fond, la fausse lettre qui se lit à la suite de l’Apol. I de saint Justin. Le ζῶντα καίεσθαι répond à l’et quidem tetriore de Tertullien.