Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/31

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heure te trouve, comme lui, avec la conscience du bien accompli[1].


La conséquence de cette philosophie austère aurait pu être la roideur et la dureté. C’est ici que la bonté rare de la nature de Marc-Aurèle éclate dans tout son jour. Sa sévérité n’est que pour lui. Le fruit de cette grande tension d’âme, c’est une bienveillance infinie. Toute sa vie fut une étude à rendre le bien pour le mal. Après quelque triste expérience de la perversité humaine, il ne trouve, le soir, à noter que ce qui suit : « Si tu le peux, corrige-les ; dans le cas contraire, souviens-toi que c’est pour l’exercer envers eux que t’a été donnée la bienveillance. Les dieux eux-mêmes sont bienveillants pour ces êtres ; ils les aident (tant leur bonté est grande !) à se donner santé, richesse et gloire. Il t’est permis de faire comme les dieux[2]. » Un autre jour, les hommes furent bien méchants, car voici ce qu’il écrivit sur ses tablettes : « Tel est l’ordre de la nature : des gens de cette sorte doivent, de toute nécessité, agir ainsi. Vouloir qu’il en soit autrement, c’est vouloir que le figuier ne produise pas de figues. Souviens-toi, en un mot, de ceci : Dans un temps bien court, toi et lui, vous

  1. Pensées, VI, 30. Cf. I, 16.
  2. Pensées, IX, 11. Cf. IX, 27, 38 ; XI, 13.