Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/342

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plices les plus terribles. La chaise de fer rougie au feu était peut-être ce que l’art du bourreau avait créé de plus infernal ; Maturus et Sanctus y furent assis. Une repoussante odeur de chair rôtie remplit l’amphithéâtre et ne fit qu’enivrer ces furieux. La fermeté des deux martyrs était admirable. On ne put tirer de Sanctus qu’un seul mot, toujours le même : « Je suis chrétien. » Les deux martyrs semblaient ne pouvoir mourir ; les bêtes, d’un autre côté, paraissaient les éviter ; on fut obligé, pour en finir, de leur donner le coup de grâce, comme on faisait pour les bestiaires et les gladiateurs.

Blandine, pendant tout ce temps, était suspendue à un poteau et exposée aux bêtes, qu’on excitait à la dévorer. Elle ne cessait de prier, les yeux élevés au ciel. Aucune bête, ce jour-là, ne voulut d’elle. Ce pauvre petit corps nu, exposé à des milliers de spectateurs, dont la curiosité n’était retenue que par l’étroite ceinture que la loi voulait qu’on laissât aux actrices et aux condamnées[1], n’excita, paraît-il, chez les assistants aucune pitié ; mais il prit pour les autres martyrs une signification mystique. Le poteau de Blandine leur parut la croix de Jésus ; le corps

  1. Comparez les Actes de sainte Thècle (Le Blant, dans l’Annuaire de l’Associat. des études grecques, 1877, p. 263, 268, 269).