Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/344

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valle, les détenus surabondèrent de joies mystiques. L’exemple des martyrs fut contagieux ; tous ceux qui avaient renié vinrent à résipiscence et demandèrent à être interrogés de nouveau. Plusieurs chrétiens doutaient de la validité de telles conversions ; mais les martyrs tranchèrent la question en offrant la main aux renégats et en leur communiquant une part de grâce qui était en eux. On admit que le vif pouvait, en pareil cas, revivifier le mort ; que, dans la grande communauté de l’Église, ceux qui avaient trop prêtaient à ceux qui n’avaient pas assez ; que celui qui avait été rejeté du sein de l’Église comme un avorton pouvait en quelque sorte y rentrer, être conçu une seconde fois, se rattacher au sein virginal, se remettre en communication avec les sources de la vie. Le vrai martyr était ainsi conçu comme ayant le pouvoir de forcer le démon à vomir de sa gueule ceux qu’il avait déjà dévorés. Son privilège devenait un privilège d’indulgence, de grâce et de charité.

Ce qu’il y avait d’admirable, en effet, dans les confesseurs lyonnais, c’est que la gloire ne les éblouissait pas. Leur humilité égalait leur courage et leur sainte liberté. Ces héros qui avaient proclamé leur foi en Christ à deux et trois reprises, qui avaient affronté les bêtes, dont le corps était couvert de brûlures, de meurtrissures, de plaies, n’osaient s’attribuer le titre