Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/345

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de martyrs, ne permettaient même pas qu’on leur donnât ce nom[1]. Si quelqu’un des fidèles, soit par lettre, soit de vive voix, les appelait ainsi, ils le reprenaient vivement. Ils réservaient le titre de martyr, d’abord à Christ, le témoin fidèle et véritable, le premier-né des morts, l’initiateur à la vie de Dieu, puis à ceux qui avaient déjà obtenu de mourir en confessant leur foi et dont le titre était en quelque sorte scellé et entériné ; quant à eux, ils n’étaient que de modestes et humbles confesseurs, et ils demandaient à leurs frères de prier sans cesse pour qu’ils fissent une bonne fin. Loin de se montrer fiers, hautains, durs pour les pauvres apostats, comme l’étaient les montanistes purs, comme le furent certains martyrs du iiie siècle[2], ils avaient pour eux des entrailles de mère et versaient à leur intention des larmes continuelles devant Dieu. Ils n’accusaient personne, priaient pour leurs bourreaux, trouvaient des circonstances atténuantes à toutes les fautes, absolvaient et ne damnaient pas. Quelques rigoristes les trouvaient trop indulgents pour les renégats ; ils répondaient, par exemple, de saint Étienne : « S’il pria pour ceux qui le lapidaient, disaient-ils, n’est-il pas permis de prier pour ses frères ? »

  1. Eusèbe, V, H. E., chap. ii.
  2. Se rappeler surtout les novatiens.