Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/346

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Les bons esprits, au contraire, virent avec justesse que c’était la charité des détenus qui faisait leur force et leur valait le triomphe. Leur perpétuelle recommandation était la paix et la concorde ; aussi laissèrent-ils après eux, non comme certains confesseurs, courageux du reste, des déchirements pour leur mère, des discordes et des disputes pour leurs frères, mais un souvenir exquis de joie et de parfait amour[1].

Le bon sens des confesseurs ne fut pas moins remarquable que leur courage et leur charité. Le montanisme, par son enthousiasme et par l’ardeur qu’il inspirait pour le martyre, ne devait pas tout à fait leur déplaire ; mais ils en voyaient les excès. Cet Alcibiade, qui ne vivait que de pain et d’eau, était du nombre des détenus. Il voulut conserver ce régime dans la prison[2] ; les confesseurs voyaient de mauvais œil ces singularités. Attale, après le premier combat qu’il livra dans l’amphithéâtre, eut à ce sujet une vision. Il lui fut révélé que la voie d’Alcibiade n’était pas bonne, qu’il avait tort d’éviter systématiquement de se servir des choses créées par Dieu et de causer ainsi un scandale à ses frères. Alcibiade se laissa persuader et mangea désormais de toutes les nourritures sans distinction, en rendant sur elles

  1. Eusèbe, V, ii, 7.
  2. Comp. Ruinart, Acta sinc., p. 226.