Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/35

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place dans sa vie morale[1]. Sa vertu, comme la nôtre, reposait sur la raison, sur la nature. Saint Louis fut un homme très vertueux, et, selon les idées de son temps, un très bon souverain, parce qu’il était chrétien ; Marc-Aurèle fut le plus pieux des hommes, non parce qu’il était païen, mais parce qu’il était un homme accompli. Il fut l’honneur de la nature humaine, et non d’une révolution déterminée. Quelles que soient les révolutions religieuses et philosophiques de l’avenir, sa grandeur ne souffrira nulle atteinte ; car elle repose tout entière sur ce qui ne périra jamais, sur l’excellence du cœur.


Vivre avec les dieux[2] !… Celui-là vit avec les dieux qui leur montre toujours une âme satisfaite du sort qui lui a été départi et obéissante au génie que Jupiter a détaché comme une parcelle de lui-même, pour nous servir de directeur et de guide. Ce génie est l’intelligence et la raison de chacun[3].

Ou bien le monde n’est que chaos, agrégation et désagrégation successives ; ou le monde est unité, ordre, providence. Dans le premier cas, comment désirer rester dans un pareil cloaque ?… La désagrégation saura bien toute seule m’atteindre. Dans le second cas, j’adore, je me repose, j’ai confiance dans celui qui gouverne[4].

  1. Philostr., Soph., II, x, 7 ; Capitolin, 27.
  2. Συζῇν θεοῖς.
  3. Pensées, V, 27. Cf. VI, 14.
  4. Ibid., VI, 10.