Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/352

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dédain. Le peuple, extrêmement irrité, ne voulut écouter aucun sentiment de pudeur ni de pitié. On fit épuiser à la pauvre fille et à son jeune ami tout le cycle hideux des supplices de l’arène ; après chaque épreuve, on leur proposait de jurer. Blandine fut sublime. Elle n’avait jamais été mère ; cet enfant torturé à côté d’elle devint son fils, enfanté dans les supplices. Uniquement attentive à lui, elle le suivait à chacune de ses étapes de douleur, pour l’encourager et l’exhorter à persévérer jusqu’à la fin. Les spectateurs voyaient ce manège et en étaient frappés. Ponticus expira, après avoir subi au complet la série des tourments.

De toute la troupe sainte, il ne restait plus que Blandine. Elle triomphait et ruisselait de joie. Elle s’envisageait comme une mère qui a vu proclamer vainqueurs tous ses fils et les présente au Grand Roi pour être couronnés. Cette humble servante s’était montrée l’inspiratrice de l’héroïsme de ses compagnons ; sa parole ardente avait été le stimulant qui maintint les nerfs débiles et les cœurs défaillants. Aussi s’élança-t-elle dans l’âpre carrière de tortures que ses frères avaient parcourue, comme s’il se fût agi d’un festin nuptial. L’issue glorieuse et proche de toutes ces épreuves la faisait sauter de plaisir. D’elle-même, elle alla se placer au bout de l’arène,