Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/418

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fond de toutes les religions et de toutes les poésies, se trouve l’idée d’un être tout-puissant, père des dieux et des hommes, qui voit tout, qui est la cause universelle. Octavius prouve sa thèse par des phrases empruntées à Cicéron. Le monothéisme est la religion naturelle de l’homme, puisque celui-ci, dans l’émotion, dit simplement : « O Dieu[1] ! » La providence de Dieu est le dernier mot de la philosophie grecque et en particulier de Platon, dont la doctrine serait divine s’il ne l’avait gâtée par trop de complaisance pour le principe de la religion d’État. Ce principe, Octavius l’attaque avec une extrême vivacité. Les raisons tirées de la grandeur de Rome le touchent peu ; cette grandeur n’est à ses yeux qu’un tissu de violences, de perfidies ou de cruautés.

Octavius excelle à montrer que les chrétiens sont innocents des crimes dont on les accuse. On les a mis à la torture ; pas un n’a avoué, et pourtant l’aveu les eût sauvés. Les chrétiens n’ont ni statues, ni temples, ni autels. Ils ont raison. Le vrai temple de la Divinité, c’est le cœur de l’homme. Quelles victimes valent une conscience, un cœur innocent ? Pratiquer la justice, c’est prier ; cultiver la vertu, c’est sacrifier ; sauver son frère, c’est la meilleure des offrandes. Chez les chrétiens, le plus pieux, c’est le

  1. Octav., § 18.