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de l’hellénisme. À l’imitation de son père, il exprima les idées les plus élevées de la philosophie grecque en hymnes syriaques[1]. Il résultait de tout cela une discipline trop distinguée eu égard à la moyenne que comportait le christianisme. Il fallait, pour être membre d’une telle Église, de l’esprit, de l’instruction. Les bons Syriens en furent effrayés. Le sort de Bardesane ressembla fort à celui de Paul de Samosate. On le traita de charmeur dangereux, de femme séductrice, irrésistible dans le secret. Ses hymnes, comme la Thalie d’Arius, furent traitées d’œuvre de magie[2]. Plus tard, saint Éphrem ne trouva d’autre moyen pour détrôner ces rythmes et soustraire les enfants à leur charme, que de composer des hymnes orthodoxes sur le même air[3]. Désormais, quand il se produisit dans l’Église de Syrie quelque sujet distingué, ayant de l’indépendance d’esprit et une grande connaissance des Écritures, on se disait avec terreur : « Ce sera un Bardesane[4]. »

On n’oublia pas cependant son talent et les ser-

  1. Sozomène, III, 16 ; Théodoret, Hist. ecclés., IV, 26.
  2. Saint Éphrem, Hymnes, i, p. 439 d, e.
  3. Actes de saint Éphrem, dans Assémani, Bibl. orient., I, p. 47 et suiv., 118 et suiv. ; saint Éphrem, Opp. (partie syriaque), t. II, Hymnes contre les hérésies ; t. III, Hymnes polémiques, p. 128 ; Sozomène, III, 16 ; Théodoret, Hist. eccl., IV, 26.
  4. Gennadius, Ill. vir. catal., ch. iv.