Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/488

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tant de sagesse. Disons tout : les belles sentences de Marc-Aurèle, sa vertu austère, sa perpétuelle mélancolie, son aversion pour tout ce qui ressemblait à une cour[1], purent sembler ennuyeuses à une femme jeune, capricieuse, d’un tempérament ardent et d’une merveilleuse beauté. Des recherches attentives ont réduit à peu de chose les faits que la calomnie s’est plu à relever contre l’épouse de Marc-Aurèle[2]. Ce qui reste à sa charge est grave encore ; elle n’aima pas les amis de son mari ; elle n’entra pas dans sa vie, elle eut des goûts hors de lui.

Le bon empereur le comprit, en souffrit et se tut. Son principe absolu de voir les choses telles qu’elles doivent être et non telles qu’elles sont ne se démentit pas. En vain on osa le désigner sur la scène comme un mari trompé ; les comédiens eurent beau nommer au public les amants de Faustine ; il ne consentit à rien entendre. Il ne sortit pas de son implacable douceur. Faustine resta toujours « sa très bonne et très fidèle épouse ». On ne réussit jamais, même après qu’elle fut morte, à lui faire abandonner ce pieux mensonge. Dans un bas-relief qui se voit encore aujourd’hui à Rome, au musée du Capi-

  1. Pensées, I, 17 ; X, 27.
  2. J’ai discuté ce point en détail dans mes Mélanges d’histoire, p. 169 et suiv.