Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/521

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grecque du mot hébreu Mesih. Le grand livre sacré du culte nouveau, c’est la Bible juive ; ses fêtes, au moins quant au nom, sont les fêtes juives ; son prophétisme est la continuation du prophétisme juif. Mais la séparation entre la mère et l’enfant s’est faite complètement[1]. Les juifs et les chrétiens, en général, se détestent ; la religion nouvelle tend à oublier de plus en plus son origine et ce qu’elle doit au peuple hébreu. Le christianisme est envisagé par la plupart de ses adhérents comme une religion entièrement nouvelle, sans lien avec ce qui a précédé.

Si nous comparons maintenant le christianisme, tel qu’il existait vers l’an 180, au christianisme du ive et du ve siècle, au christianisme du moyen âge, au christianisme de nos jours, nous trouvons qu’en réalité il s’est augmenté de très peu de chose dans les siècles qui ont suivi. En 180, le Nouveau Testament est clos ; il ne s’y ajoutera plus un seul livre nouveau. Lentement, les Épîtres de Paul ont conquis leur place à la suite des Évangiles, dans le code sacré et dans la liturgie[2]. Quant aux dogmes, rien

  1. Les mots ἰουδαϊσμός, χριστιανισμός sont opposés les uns aux autres dans les épîtres pseudo-ignatiennes, ad Magn., 8-10 ; ad Phil., 6. On s’étonne de trouver encore les juifs et les chrétiens confondus dans Ælius Aristide, Opp., II, p. 402 et suiv., Dindorf.
  2. Actes des martyrs scillitains, 7e réponse de Spérat ; cf. l’Église chrétienne, p. 353-354.