Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/580

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et ils le conçoivent sous la forme d’une petite vie synagogale, dont la vie chrétienne n’est que la transformation ascétique. Des groupes peu nombreux d’humbles et pieuses gens, menant entre eux une vie pure et attendant ensemble le grand jour qui sera leur triomphe et inaugurera sur la terre le règne des saints, voilà le christianisme naissant[1]. Le bonheur dont on jouissait dans ces petits cénacles devint une puissante attraction. Les populations se précipitèrent, par une sorte de mouvement instinctif, dans une secte qui satisfaisait leurs aspirations les plus intimes et ouvrait des espérances infinies.

Les exigences intellectuelles du temps étaient très faibles ; les besoins tendres du cœur étaient très impérieux. Les esprits ne s’éclairaient pas, mais les mœurs s’adoucissaient[2]. On voulait une religion qui enseignât la piété, des mythes qui offrissent de bons exemples, susceptibles d’être imités, une sorte de

  1. Καινοὺς οὐρανοὺς καὶ γῆν καινὴν προσδοκῶμεν, ἐν οἷς δικαιοσύνη κατοικεῖ. II Petri, iii, 13.
  2. Les inscriptions en sont la meilleure preuve. Voir Le Blant, Inscr. chrét. de la Gaule, I, p. 172-173 : affectionis plena erga omnes homines… mater omnium,… ob egregiam ad omnes mansuetudinem. Voir les Apôtres, p. 317, 320. Il est souvent difficile de distinguer par ces sortes de formules une sépulture chrétienne d’une sépulture païenne. Notez une sodalitas pudicitiæ servandæ, Spon, Misc., p. 70, no 1 ; Orelli, no 2401 ; Fabretti, p. 462, no 11.