Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/605

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au iiie siècle, est déjà une vaste agence d’intérêts populaires, suppléant à ce que l’empire ne fait pas. On sent qu’un jour, l’empire défaillant, l’évêque héritera de lui. Quand l’État refuse de s’occuper des problèmes sociaux, ceux-ci se résolvent à part, au moyen d’associations qui démolissent l’État.

La gloire de Rome, c’est d’avoir essayé de résoudre le problème de la société humaine sans théocratie, sans dogme surnaturel. Le judaïsme, le christianisme, l’islamisme, le bouddhisme sont, au contraire, de grandes institutions embrassant la vie humaine tout entière sous forme de religions révélées. Ces religions sont la société humaine elle-même ; rien n’existe en dehors d’elles. Le triomphe du christianisme fut l’anéantissement de la vie civile pour mille ans. L’Église, c’est la commune si l’on veut, mais sous forme religieuse. Pour être membre de cette commune-là, il ne suffit pas d’y être né ; il faut professer un dogme métaphysique, et, si votre esprit se refuse à croire ce dogme, tant pis pour vous. L’islamisme ne fit qu’appliquer le même principe. La mosquée, comme la synagogue et l’église, est le centre de toute vie. Le moyen âge, règne du christianisme, de l’islamisme et du bouddhisme, est bien l’ère de la théocratie. Le coup de génie de la Renaissance a été de revenir au droit romain, qui est essen-