Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/632

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l’esclave inutile. Les invasions barbares en Occident eurent un effet analogue. L’espèce de détachement général qui s’empara de l’humanité à la suite de la chute de l’empire romain amena d’innombrables affranchissements[1]. L’esclave fut une victime survivante de la civilisation païenne, reste presque inutile d’un monde de luxe et de loisir. On crut racheter son âme des terreurs de l’autre vie en délivrant ce frère souffrant ici-bas[2]. L’esclavage, d’ailleurs, devint surtout rural et impliqua un lien entre l’homme et la terre, qui devait un jour devenir la propriété[3]. Quant au principe philosophique que l’homme ne doit appartenir qu’à lui-même, c’est bien plus tard qu’il apparaît comme un dogme social. Sénèque, Ulpien l’avaient proclamé d’une façon théorique ; Voltaire, Rousseau et la Révolution française en firent la base de la foi nouvelle de l’humanité.

  1. Nombreuses chartes d’affranchissement « à l’approche du soir du monde ».
  2. Affranchissements par testament, pro redemptione animæ suæ, vers l’an 500. Le Blant, Inscr. chrét. de la Gaule, nos 374 et 379, ou pro remedio animæ (Le Blant, II, p. 7-8).
  3. La substitution de sclavus à servus se fit quand les Othons vendirent en masse les populations slaves d’au delà de l’Elbe. Voir le Polyptyque d’Irminon de M. Guérard, I, p. 283.