Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/643

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l’idée d’une chrétienté armée, le pape ni ses légats n’arrivent jamais à être des chefs militaires. Un saint empire, avec un Théodose barbare, tenant l’épée pour protéger l’Église du Christ, voilà l’idéal de la papauté latine. L’Occident n’y échappa que grâce à l’indocilité germanique et au génie paradoxal de Grégoire VII. Le pape et l’empereur se brouillèrent à mort ; les nationalités, que l’empire chrétien de Constantinople avait étouffées, purent se développer en Occident, et une porte fut ouverte à la liberté.

Cette liberté ne fut presque en rien l’œuvre du christianisme. La royauté chrétienne vient de Dieu ; le roi fait par les prêtres est l’oint du Seigneur. Or, le roi de droit divin a bien de la peine à être un roi constitutionnel. Le trône et l’autel deviennent ainsi deux termes inséparables. La théocratie est un virus dont on ne se purge pas. Le protestantisme et la Révolution furent nécessaires pour qu’on arrivât à concevoir la possibilité d’un christianisme libéral, et ce christianisme libéral, sans pape ni roi, n’a pas encore assez fait ses preuves pour qu’on ait le droit de parler de lui comme d’un fait acquis et durable dans l’histoire de l’humanité.