Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/92

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son œuvre de libre spéculation, Rome s’attachait, avec une suite qui étonne, à l’œuvre d’organisation et de gouvernement. Toutes les autorités, tous les artifices lui étaient bons pour cela. La politique ne recule pas devant la fraude ; or, la politique avait déjà élu domicile dans les conseils les plus secrets de l’Église de Rome. Il se produisit, vers ce temps, une veine nouvelle de littérature apocryphe, par laquelle la piété romaine chercha une fois de plus à s’imposer au monde chrétien.

Le nom de Clément fut le garant fictif que choisirent les faussaires pour servir de couverture à leurs pieux desseins. La grande réputation qu’avait laissée le vieux pasteur romain, le droit qu’on lui reconnaissait de donner en quelque sorte son apostille aux livres qui méritaient de circuler, le recommandaient pour ce rôle[1]. Sur la base des Cerygmata et des Periodi de Pierre[2], un auteur inconnu, né païen et entré dans le christianisme par la porte esséno-ébionite, bâtit un roman dont Clément fut censé être à la fois l’auteur et le héros. Ce précieux écrit, intitulé les

  1. Linus, autre successeur de Pierre, ou du moins supposé tel, fut aussi pris pour garant d’actes apocryphes des apôtres. Bibl. max. Patrum, Lugd., II, p. 67 et suiv.
  2. Recognitiones, I, 27-72 ; IV-VI. Notez surtout III, 75. Voir l’Église chrétienne, ch. xvii.