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maison d’Anjou, aussi fâcheuse pour la France que pour la Sicile et la papauté, et qui nous fit jouer pour la première fois dans le monde le rôle toujours gauche de zouave pontifical.

Il ne faut jamais demander à l’art la raison des procédés qu’il emploie pour produire son impression. Le monde byzantin, le monde latin, le monde arabe, semblent trois éléments inconciliables. La Sicile a su les mélanger dans des monuments dont l’effet est charmant. La chapelle Palatine et ce que l’on appelle la chambre de Roger doivent compter entre les perles du monde. Je ne m’imaginais point pareille chose d’après ce que j’avais vu en Orient : une chapelle bâtie sur le plan d’une mosquée, avec un plafond décoré de pendentifs en forme de stalactites et orné d’inscriptions coufiques, voilà ce que les chrétiens d’Orient n’ont jamais osé ; ils auraient horreur pour une église de motifs si purement musulmans. La coupole de la chapelle Palatine est une merveille de grâce et d’élégance de construction. C’est une petite mosquée d’Omar ; comme dans cette dernière, les ordres grecs sont employés avec un certain sentiment de leur valeur primitive. Et pourtant tout cela a été bâti en 1132 par Roger II. — L’église Saint-Jean-des-Ermites, avec ses trois absides et ses cinq petites coupoles hémisphériques, paraît de même au premier coup d’œil une mosquée, et pourtant elle a été bâtie pour église ; il ne peut exister aucun doute à cet égard.

Que dire de la Martorana, ce petit chef-d’œuvre d’église avec ses inscriptions arabes et grecques, si bizarrement devenue une chapelle de religieuses, lesquelles, sans toucher beaucoup aux parties primitives, les ont appro-