Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/181

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Mettons d’ailleurs que le peuple, devenu plus sage, ait reconnu son erreur. Auguste mort, le moment est favorable ; Tibère se fait prier pour lui succéder : qu’on se passe de lui. Tibère meurt, à son tour, après avoir commis d’abominables cruautés. C’est le cas de rétablir la république. — On acclame Caligula.

Après Caligula, l’illusion n’est plus possible. C’est un extravagant notoire ; durant trois ans et trois mois, le monde est livré à un fou féroce et goguenard, qui se moque du genre humain. On l’assassine. — Ah ! c’est maintenant que nous allons enfin voir un juste retour de ce peuple surpris et opprimé. Chéréa, le chef de la conspiration, est républicain ; le sénat délibère de rétablir la république ; les consuls donnent pour mot d’ordre Libertas ; en haine du nom de César, ils convoquent l’assemblée au Capitole, et non dans la basilique Julienne. Rome est libre ; on tient de fort sages discours ; tous les honnêtes gens respirent. — On avait compté sans une sorte d’idiot, oncle de l’empereur défunt, qui, pendant le tumulte, s’était réfugié derrière une portière. On aperçoit ses pieds ; on le tire ; le malheureux demande grâce. On le proclame empereur.

Ici je m’arrête. Quoi ! ce n’était pas une évidente nécessité historique que celle qui se faisait jour comme une inondation par toutes les fissures ? Ce n’était pas un régime inévitable qu’un régime qui se soutint malgré les plus mauvaises chances ; un régime qui fut très-fort avec des scélérats, des monstres, des fous, des imbéciles ; un régime que Tibère, Caligula, Claude, Néron ne perdirent pas ; qui, après Galba, Othon, Vitellius, se retrouve sous Vespasien plus fort que jamais ; qui, après Domitien, le