Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/214

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eut lieu cette année-là. Or c’était justement l’année qu’il fallait pour justifier les lettres citées par Vulcatius[1].

L’examen intrinsèque de ces lettres nous paraît aussi écarter tout à fait l’idée d’une fraude. Une seule intention pourrait les avoir fait supposer : le désir de préparer des pièces justificatives à l’innocence de Faustine. Mais alors comment expliquer les erreurs de faits et de lieux qu’on croit y trouver ? Le faussaire n’aurait-il pas eu le bon sens d’éviter d’y mettre des impossibilités historiques, vraiment énormes dans l’hypothèse de nos adversaires ? Il est absolument inadmissible qu’on ait fabriqué les pièces en question du vivant de l’impératrice. Il s’écoula très-peu de temps entre la révolte d’Avidius et la fin de Faustine. Les soupçons contre cette dernière ne se produisirent qu’après sa mort. Après la mort de Faustine, on conçoit encore moins la fabrication de pareilles pièces. La mémoire de Faustine ne garda pas de défenseurs. Ajoutons que la lettre de Marc-Aurèle au sénat, également conservée par Vulcatius[2], n’est pas attaquée ; or cette lettre présente, en ce qui concerne Pompéien, une particularité concordant tout à fait avec les lettres soupçonnées. M. Borghesi est obligé, pour échapper à cette difficulté, de recourir aux hypothèses les moins naturelles[3]. Nous croyons donc que le consciencieux Tillemont a été, sur ce point, entraîné dans

  1. On obtient ainsi une suite de faits excellente : Commencement de 169, mort de Lucius Vérus ; — fin de 169, Lucille épouse Pompéien ; — 172, révolte d’Avidius et mort de Faustine ; — 173, mariage de Cl. Sévérus avec Fadilla, consulat de Pompéien et de Cl. Sévérus.
  2. Ch. 12.
  3. Mém. cité, p. 440 et suiv.