Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/251

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d’illusion et de fantasmagorie. Il dissimule, au moins sous certains profils, ses moyens de solidité. Cette voûte semble poser sur des colonnettes, tandis qu’elle pose en réalité sur les murs latéraux. Ces murs eux-mêmes effrayent par leur peu de masse ; mais, au dehors, une forêt de béquilles, comme on l’a dit souvent, supplée à leur insuffisance. Ces fenêtres sous la voûte produisent une sorte de terreur ; mais cette voûte est soutenue par d’autres moyens. Les frêles étais qui ont l’air de la porter sont là pour détourner l’attention et tromper l’œil sur la direction réelle des effets de la pesanteur.

Ainsi naquit l’église dite gothique. Elle n’a rien de plus, rien de moins que l’église romane. C’est la vieille basilique évidée, amincie, remplie de souffle et d’âme. La basilique du moyen âge était complète avant l’adoption de l’ogive. L’ogive, en d’autres termes, n’est pas un trait de style, elle est applicable à tous les styles. Des églises purement romanes, comme Saint-Maurice d’Angers, Saint-Gilles près d’Arles, en font un emploi suivi. Souvent on pratiqua simultanément le plein cintre et l’ogive, et, assez longtemps après le triomphe de l’ogive, on continua d’employer le plein cintre dans les clochers. Enfin une foule d’églises, non-seulement dans la région qui servit de berceau à l’ogive, mais en Guienne, en Normandie, flottent entre les deux procédés et peuvent presque indifféremment s’appeler romanes ou gothiques. De la basilique romaine à la basilique chrétienne du temps de Constantin, de la basilique constantinienne aux églises du ixe et du xe siècle, de l’église du ixe et du xe siècle à la basilique romane, de la basilique romane à l’église gothique, il n’y a donc pas une seule solution de continuité. Quelque peu