Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/253

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lution, la substitution de la voûte à la charpente, a produit, par des déductions en quelque sorte nécessaires, toutes les transformations qui remplissent l’intervalle du xie siècle au xive. La production du style gothique fut parfaitement logique ; elle ne suppose l’introduction d’aucun élément étranger. L’ogive, employée dans des cas exceptionnels au xie siècle, pour donner de la solidité aux arcs qui devaient avoir une grande portée, devient la règle à partir de 1150 ; mais on peut dire qu’elle était en germe dans les nécessités intimes de l’art antérieur. Certaines parties des basiliques nouvelles, les absides par exemple, l’appelaient presque forcément. Enfin elle arrivait à des effets qui parlaient beaucoup à l’imagination et répondaient mieux au sentiment religieux du temps. En somme, il se passa en architecture un phénomène analogue à celui qui avait lieu dans la langue et la poésie. Avec les éléments antiques, brisés, transposés, recomposés selon ses idées et ses sentiments, le moyen âge se créait un instrument tout différent de celui de Rome. Nos églises sont à l’art antique ce que la langue de Dante est à celle de Virgile, barbares et de seconde main, si l’on veut, mais originales à leur manière et correspondant à un génie religieux tout nouveau.

Comme tous les grands styles, le gothique fut parfait en naissant. Trop habitués à juger ce style par les ouvrages de sa décadence, nous oublions souvent qu’il y eut pour le style ogival, avant les exagérations des derniers temps, un moment classique où il connut la mesure et la sobriété. Les petits édifices, élevés en quelques années et d’une parfaite unité, nous renseignent bien mieux à cet égard que les grandes cathédrales ache-