Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/269

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est rangée, sérieuse, pleine de justes aspirations à la vie politique. Il se forma une haute bourgeoisie de fonctionnaires enrichis par les opérations financières de la royauté, tels que les Barbette, les Montaigu, plus tard Jacques Cœur. Ces parvenus firent preuve en général d’un goût éclairé, et l’histoire doit être pour eux plus indulgente que ne le furent leurs contemporains. La jalousie des princes les écrasait ; presque tous périrent de mort violente. La bonne bourgeoisie des villes, surtout de Paris, était arrivée à un haut degré de bien-être et de culture ; mais elle n’avait, heureusement peut-être, aucune des qualités brillantes de la bourgeoisie italienne. Le soin extrême de la maison que nous révèle le Ménagier de Paris était tourné bien plus vers ce qu’on nomme maintenant le confortable que vers le goût de l’art. L’hôtel bourgeois du xive siècle devait ressembler à ces vieilles demeures remplies d’une solide richesse qu’on trouve encore au fond des provinces éloignées. Ce n’était ni l’élégante maison de la renaissance ni le luxe banal de nos demeures modernes. « Et pour ce que aux hommes, dit le Ménagier, est la cure et le soing des besongnes du dehors, et en doivent les maris soingner, aler, venir et racourir deçà et delà, par pluies, par vents, par neges, par gresles, une fois mouillié, autre fois sec, une fois suant, autre fois tremblant, mal peu, mal héhergié, mal chauffé, mal couchié ; et tout ne lui fait mal pour ce qu’il est reconforté de l’espérance qu’il a aux cures que sa femme prendra de lui à son retour, aux aises, aux joies et aux plaisirs qu’elle lui fera ou fera faire devant elle ; d’estre deschaux[1]

  1. Déchaussé.