Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/292

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tout cela, » dit-il ; « j’avais pourtant dit à Gabriel : Puisque vous m’envoyez chez des démons, donnez-moi du moins quelque signe que je puisse emporter ; sinon, je ne bouge pas. Mais l’ange s’est fâché et m’a répondu : Tu emportes une catastrophe plus terrible que l’heure du jugement ; pars toujours, et vois ce que ces gens-là te répondront. » Mamoun se mit à rire : « Voilà, dit-il, un de ces prophètes comme il en faut aux heures d’amusement. »


II.

On a souvent relevé ce fait important que les khalifes abbasides, bien que du plus pur sang arabe, ont en réalité beaucoup de traits du caractère persan. Un de ces traits est la perpétuelle préoccupation de la mort. À la suite d’une longue discussion de physique et de métaphysique qui eut lieu un soir chez le khalife Watik, le khalife, dont l’attention commençait à se lasser, pria chacun des savants qui avaient pris part à la conférence de citer de mémoire quelques sentences sur le renoncement à un monde où tout passe et s’anéantit. Ils dirent les uns après les autres ce qu’ils savaient en ce genre, et racontèrent des traits tirés de la vie des anciens philosophes et des sages de la Grèce, comme Socrate et Diogène, Watik leur dit alors : « Vous avez développé ce sujet et vous l’avez orné du charme de votre éloquence ; je désire maintenant que l’un d’entre vous me cite la plus belle sentence qui fut prononcée par les sages qui entouraient le cercueil d’or