Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/338

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pays qui appellent une organisation régulière. En Afrique, au contraire, où elle rencontrait un sol approprié à la vie nomade et patriarcale, cette race s’est répandue de proche en proche, par un mode de propagation analogue à celui du sable dans le désert, portant avec elle ses habitudes d’indiscipline, sa religion simple, son purisme grammatical.

L’islamisme n’était pas moins bien adapté que la race arabe à la nature africaine. Né dans le désert, il tend de plus en plus à s’y renfermer. M. d’Escayrac de Lauture insiste vivement sur ce phénomène bizarre que l’islamisme est bien plus pur dans le Soudan qu’en Syrie, en Égypte, à Constantinople. Les superstitions, les dévotions mesquines, qui ont terni presque partout la pureté de la doctrine unitaire, n’ont aucun accès parmi les tribus nomades de l’Afrique ; les derviches et les ordres religieux, qui ailleurs ont supplanté les oulémas dans la faveur du peuple, n’exciteraient ici que le dégoût. Ce puritanisme confine parfois à l’incrédulité. L’Arabe bédouin, à force de simplifier sa religion, en vient presque à la supprimer : c’est assurément le moins mystique et le moins dévot des hommes. Sa religion ne dégénère jamais en crainte servile ; le monothéisme est moins pour lui une religion positive qu’une manière de repousser la superstition. Il est prouvé aujourd’hui que l’islamisme se produisit au viie siècle presque sans conviction religieuse, et n’obtint une créance absolue que quand, sortant de l’Arabie, il tomba sur un sol mieux disposé pour la foi. La plupart des tribus bédouines se convertirent par force, sans trop savoir ce qu’elles faisaient. M. Fresnel nous a appris que, dans le Hadramant, des tribus entières n’ont