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390 MÉLANGES D’HISTOIRE.

de quelques savants. Les sciences dogmatiques, ou qui devraient l’être, peuvent se passer D’un tel secours ; les sciences critiques, au contraire, aspirent de plus en plus à devenir historiques, au moins dans leur exposition. La philosophie nous en offre un curieux exemple.

La philologie est, de toutes les branches de la connaissance humaine, celle dont l’histoire a dû venir en dernier lieu, parce qu’elle est de toutes peut-être la moins définie, celle dont il est le plus difficile de saisir l’unité. L’astronomie, la zoologie, la botanique, etc., ont un objet déterminé. Mais quel est celui de la philologie ? Le grammairien, le linguiste, le lexicographe, le critique, le littérateur dans le sens spécial du mot, ont droit au titre de philologues, sans que l’on saisisse au premier coup d’œil entre ces études diverses un rapport suffisant pour les appeler d’un nom commun. C’est qu’il en est du mot de philologie comme de celui de philosophie, de poésie et de tant d’autres dont le vague même est expressif. Quand on cherche, d’après les habitudes des logiciens, à trouver une phrase équivalente à ces mots compréhensifs, et qui en soit la définition, l’embarras est grand, parce que la philosophie, la poésie n’ont, ni dans leur objet ni dans leur méthode, rien qui les caractérise uniquement. Platon, Épictète, Pascal, Voltaire sont appelés philosophes ; Théocrite, Aristophane, Lucrèce, Martial sont appelés poètes, sans qu’il soit facile de trouver le lien de parenté qui réunit sous un même nom des esprits si divers. C’est que les appellations ont été formées non sur des notions d’avance définies, mais par des procédés plus libres et au fond plus exacts que ceux de la logique artificielle.

L’antiquité, en cela plus sage que nous et plus rap-