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MÉLANGES D’HISTOIRE.

également de l’étude des restes poudreux du passé. Aucune recherche ne doit donc être condamnée dès l’abord comme inutile ou puérile ; car on ne sait ce qui peut en sortir, ni quelle valeur elle peut acquérir un jour. D’ailleurs, ce qui n’a pas de prix en soi-même peut en avoir comme donnée auxiliaire d’une autre science. Les profanes, et quelquefois même ceux qui s’appellent penseurs, se prennent à rire des minutieuses investigations de l’archéologue. De pareilles applications de l’esprit, si elles étaient leur fin à elles-mêmes, ne seraient sans doute que des fantaisies d’amateurs plus ou moins intéressantes ; mais elles deviennent scientifiques, et en un sens sacrées, si on les rapporte à la connaissance de l’antiquité, laquelle n’est possible que par les monuments. Il est une foule d’études qui n’ont ainsi de valeur qu’en vue d’un but ultérieur. Vouloir réduire la science au nécessaire, c’est renouveler le triste raisonnement par lequel, dans le conte de Voltaire, on réussit, par des éliminations successives, à simplifier si fort l’éducation de Jeannot.

C’est comme élément de la science philosophique que tout a son prix et sa valeur. La légèreté d’esprit, qui ne comprend pas la science, le pédantisme, qui la comprend mal et la rabaisse, viennent de l’absence de l’esprit philosophique. Il faut s’accoutumer à chercher le prix du savoir en lui-même, et non dans l’usage qu’on en peut faire pour l’instruction de l’enfance. Il y a là-dessus un préjugé trop répandu en France et qui est cause de bien des malentendus. Le département de la science est trop souvent à nos yeux celui de l’instruction publique, comme si les recherches sérieuses n’avaient de valeur qu’en tant qu’elles servent à l’enseignement. De là l’idée que, l’édu-