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428 MÉLANGES D’HISTOIRE.

cieux de M. Egger lui enlèvera encore, s’il est possible, des lecteurs. En effet, ceux qui voudront connaître Apollonius le trouveront tout entier analysé, interprété, discuté, dans le Mémoire de M. Egger, avec une clarté et, j’ose le dire, un charme qu’on chercherait vainement dans les écrits originaux du célèbre grammairien d’Alexandrie.

On comprend que l’intérêt d’une pareille étude est nécessairement tout historique. Nous n’avons plus rien de nouveau à apprendre d’Apollonius ni de ses contemporains en fait de grammaire, précisément parce que nous avons tout appris d’eux et que leur méthode s’est en quelque sorte confondue avec les procédés les plus familiers de notre esprit. On ne songe pas assez à ce qu’il a fallu d’invention et de finesse pour constituer cet humble livre qu’on appelle un Rudiment. Ce qui est là résumé à la portée de l’intelligence d’un enfant, ces notions tellement tombées dans le domaine commun qu’on cesse d’y attacher un nom propre et qu’il n’y a plus aucun mérite à les enseigner ni à les connaître, quel effort de génie n’a-t-il pas fallu pour les créer ! Dieu me garde de comparer la grammaire au langage lui-même, l’œuvre toujours imparfaite de la réflexion à l’œuvre complète et vraiment divine de la spontanéité primitive. Mais de même qu’il nous est impossible de concevoir les voies mystérieuses par lesquelles l’esprit humain est arrivé à créer le langage, de même comprendrons-nous difficilement le mérite de ceux qui les premiers ont tenté l’analyse du langage. Or, en cela comme dans tout ce qui est l’œuvre de la réflexion philosophique, il n’est rien que nous ne tenions de la Grèce. C’est la grammaire des