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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 475

éviter le harem ! Entre toutes ces notices, la plus intéressante, cependant, fut celle que M. Le Clerc consacra au dominicain Brocard. Brocard est le meilleur des écrivains sur la Palestine au moyen âge. C’est un homme exact, de Grand sens, relativement éclairé et même tolérant, le dernier de la famille de ces hardis voyageurs monastiques qui sont une des gloires du XIIIe siècle. M. Le Clerc corrigea, en ce qui le concerne, une foule de méprises, et montra où il fallait chercher le véritable texte de son ouvrage. Le récent éditeur de Brocard, M. Laurent, a repris le travail et confirmé les découvertes de M. Le Clerc. — Comme pour faire voir que rarement, dans l’humanité, les grandes choses se passent sans petitesses et sans impostures, un cantique que chantaient les pèlelerins de Saint-Jacques-de-Compostelle et un itinéraire de ces mêmes pèlerins lui fournirent l’occasion de montrer comment le pèlerinage de Galice vint du même esprit que les croisades et par quelle série de pieuses supercheries on réussit à le rattacher à l’histoire fabuleuse de Charlemagne. Peu d’articles sont plus importants à lire pour se rendre compte des principes de critique qu’il faut appliquer à l’hagiographie et à certaines chansons de geste.

Les vies de saints et de saintes échurent en général à M. Le Clerc. C’était là, au XIIIe siècle, un genre de littérature bien épuisé, donnant lieu à mille plagiats, abondant en déclamations, en lieux communs, et, selon l’ingénieuse comparaison de M. Le Clerc, « en fraudes pareilles à celles de la statuaire antique, qui, sans rien changer à l’attitude ni aux draperies de ses héros, substituait à la tête d’un empereur proscrit celle d’un autre